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IS, TVA, IR foncier… Le pack pour soutenir l’entreprise en 2021

Où est passée la loi-cadre sur la réforme fiscale prévue à l’issue des 3e assises de la fiscalité du 4 mai 2019 ? Aucun projet de texte n’a filtré jusqu’à présent. La démarche consistait à inscrire dans une loi-cadre la réforme de la fiscalité devant être déployée sur cinq ans. Selon le ministre des Finances, les premières mesures fiscales ont déjà été intégrées dans la loi de finances 2020.

D’autres devraient suivre en 2021. Il est certain que les pressions de l’UE pour abroger la fiscalité des zones franches, de l’export et de la place financière de Casablanca sont derrière ce retard. Un décret-loi sur CFC vient d’ailleurs d’être adopté par le parlement.

Le Cercle des fiscalistes du Maroc (CFM) insiste pour que l’ensemble des recommandations soient programmées sur les années à venir et proposent une série de mesures dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances 2021. Il s’agit d’une dizaine de requêtes visant à alléger la trésorerie de l’entreprise, à relancer l’investissement privé et à améliorer les dispositions existantes.

«La loi de finances ne traite généralement pas des taxes locales, mais nous estimons que la réforme de la fiscalité locale est une urgence absolue en raison de son impact néfaste sur les entreprises aussi bien sur le plan du principe que de leur gestion. Comment peut-on encore taxer en 2021 les outils de production sans lien avec le taux d’activité?», s’interroge Brahim Bahmad, président du Cercle des fiscalistes du Maroc.

Les modalités de fixation de la taxe professionnelle, et même son principe, sont souvent décriées par les opérateurs économiques à cause des implications de cet impôt qui freine les investissements. Car plus on investit, plus on paie une taxe professionnelle plus élevée. Le CFM ne décline pas de propositions relatives aux impôts locaux et préfère attendre que la réforme soit inscrite dans l’agenda du gouvernement. Le chantier est déjà enclenché, mais n’a toujours pas abouti.

■ Impôt sur les sociétés: Le casse-tête des acomptes
Le Cercle des fiscalistes du Maroc propose d’étaler le reliquat de l’IS relatif aux exercices ouverts entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre ainsi que les acomptes devant être versés en 2021 au titre de l’exercice 2020. Les entreprises (moins de 20 millions de DH de chiffre d’affaires et celles en ayant fait la demande) qui avaient opté pour le report du paiement du reliquat de l’IS de 2019 et les acomptes de 2020 devaient à la fois les montants reportés en plus du 3e acompte. Sauf que dans beaucoup de cas, elles n’ont pas la trésorerie suffisante car certaines d’entre elles n’ont toujours pas repris leurs activités. «Au lieu de proposer de reporter indéfiniment ces sommes, nous proposons de les étaler pour les entreprises les plus touchées par la crise au moins sur douze mois à compter de janvier 2021.
La pandémie sanitaire et son impact financier introduit beaucoup d’incertitudes. Les chefs d’entreprise sont dans l’impossibilité de déterminer avec exactitude leur bénéfice net. En cas de dispense du paiement d’un acompte prévisionnel dont le montant de l’IS s’avère supérieur de plus de 10% à ce qui doit être payé, ils s’exposent à des pénalités (article 170 du CGI). Le CFM suggère «la possibilité d’augmenter temporairement cette marge d’erreur à 30% au lieu de 10%. L’objectif étant de «ne pas piéger les entreprises de bonne foi».
Le dispositif de la dispense du paiement des acomptes est paramétré de façon à ce que l’on soit exonéré du paiement de trois acomptes dès qu’on opte pour la dispense du 2e acompte. Ce qui augmente le risque d’erreur d’appréciation du résultat net au terme de l’exercice. Il est donc proposé de donner aux entreprises la possibilité d’opter pour la dispense du paiement d’un acompte indépendamment des autres. Elles pourront donc payer en fonction de leur visibilité.
Toujours au sujet des acomptes d’IS qui sont des avances payées en fonction du bénéfice net de l’année N-1, des éléments exceptionnels peuvent souvent avoir contribué à la détermination d’un impôt de l’année de référence. Parmi ces derniers, l’on peut citer la plus-value générée par la vente d’un bien immeuble ou d’une machine. Les acomptes versés au cours de l’année N sur cette base se traduiront par le versement d’une avance non remboursable que la société va devoir imputer sur l’IS des années suivantes. La proposition des fiscalistes consiste donc à exclure les éléments exceptionnels du calcul des acomptes.

■ Compensation dette/créances: Un droit à activer
Si dans beaucoup de pays avancés, le gouvernement aide financièrement les entreprises pour éviter les faillites et sauvegarder les entreprises, au Maroc, il suffit que l’Etat leur paie ses créances. Il est question ici, entre autres, du crédit de TVA, du paiement des marchés publics qui constituent un cauchemar pour les entreprises et pénalisent leur trésorerie. Les fiscalistes de l’association suggèrent la possibilité de compenser les créances dues envers l’Etat par le paiement de tout impôt ou taxe. Ce qui est un droit consacré par l’article 237 du CGI.

■ Achat en exonération de TVA au-delà de 36 mois d’existence
En principe, la taxe sur la valeur ajoutée ne doit pas pénaliser l’entreprise. Or, dans les faits, le défaut de remboursement systématique du crédit de TVA dans le cadre d’un investissement impacte directement la trésorerie et la dissuade d’investir. L’article 92-6 du CGI institue la possibilité d’acheter des biens d’investissement en exonération de TVA en faveur des entreprises ne dépassant pas 36 mois d’existence suivant la date de leur première opération commerciale. Le dispositif devrait être amélioré via son extension à toute entreprise souhaitant investir quelle que soit son ancienneté.

■ IR foncier: Un dispositif à revoir

Les dispositions de l’article 161 bis-II sur le report de l’IR en matière de profits fonciers relatifs à l’apport d’un bien immobilier à une société déstabilisent les promoteurs immobiliers. En effet, le dispositif consiste à régulariser l’impôt lorsque la société bénéficiaire de l’apport procède à la cession totale ou partielle ou au retrait des biens immeubles ou des droits réels immobiliers. Ils doivent également être régularisés lorsqu’une personne physique cède les titres acquis en contrepartie de l’apport. L’intégralité de l’IR foncier doit donc être régularisée dès la première vente, même partielle de l’actif apporté. C’est à ce niveau que le dispositif constitue une aberration pour le cas des promoteurs immobiliers, dont la vente des biens immeubles constitue l’activité principale. Le Cercle des fiscalistes propose de revoir l’article 161 bis-II de manière notamment à ce que la régularisation de l’IR foncier dans le cas d’espèce soit «au prorata du montant de la part cédée par rapport au montant de l’apport du bien ou des droit réels immobiliers apportés».

Retenue à la source/non-résidents: Des zones d’ombre

L’article 15-X décrit la taxation des prestations fournies par des non-résidents mais ne fait pas de distinction entre les prestations consommées à l’étranger de celles utilisées localement. Par conséquent, toute prestation est imposable juste du fait qu’elle est offerte par un non-résident. Le Cercle des fiscalistes du Maroc propose de réécrire l’article 15-X en introduisant la conjonction «Et» au lieu de «Ou» : «rémunération des prestataires toute nature utilisée au Maroc et fournies par des personnes non résidentes».

                                                                        

Compte courant d’associés:  Un frein au financement

L’application d’un droit d’enregistrement au financement des comptes courants d’associés, qui suscite régulièrement la fronde des opérateurs économiques, n’a évidemment pas échappé aux fiscalistes du CFM. Ce dernier recommande l’exonération fiscale des conventions de comptes courants contrairement à la récente interprétation de la Direction générale des impôts. L’objectif étant de ne pas pénaliser le développement des groupes de sociétés dont les avances de comptes courants constituent le principal instrument de financement.
Dans le même sillage, il est recommandé d’aligner les droits d’enregistrement relatifs aux cessions de comptes courants sur les ventes de parts sociales et actions. Pour faciliter les mutations d’entreprises, la loi de finances 2018 avait institué l’exonération des cessions de parts sociales et actions des droits d’enregistrement. Or, ces opérations s’accompagnent systématiquement par la cession des comptes courants d’associés/actionnaires. Le dispositif gagnerait à être amélioré via l’exonération de ces cessions des droits d’enregistrement au moment de la vente des titres des actionnaires/associés. «La fiscalisation de ces cessions astreint les entreprises à des dépenses inutiles, notamment via l’augmentation de capital précédant la cession des parts sociales qui reste une opération exonérée des droits d’enregistrement», souligne Brahim Bahmad, président du Cercle des fiscalistes du Maroc.

Hassan EL ARIF

Source : L’economiste